Un an après le début de la mobilisation, les professionnels de santé sont de plus en plus nombreux dans la rue et en arrêt de travail, soignants et patients sont méprisés. 253 hôpitaux de France sont aujourd’hui en mouvement de grève illimitée pour réclamer plus de moyens, d’effectifs de reconnaissance, de salaire et moins d’incivilités.
Dans des conditions normales d’exercice, une consultation en service d’urgences est un parcours du combattant qui nécessite beaucoup de moyens humains et matériels. A l’arrivée, le patient doit être inscrit. Ensuite, il est vu par un infirmier d’accueil et d’orientation chargé d’évaluer la gravité, puis par un médecin qui va prodiguer les premiers soins et demander les examens complémentaires initiaux ainsi que l’avis d’un spécialiste si nécessaire.
In fine, après des heures d’investigations, doit se prendre la décision soit d’un retour au domicile, d’une intervention chirurgicale rapide ou d’une hospitalisation sur place voire via un Transfert.
Or, nos hôpitaux manquent de lits d’aval, de moyens, de personnel, de médecins, enfin de tout ! Autres insuffisances dans notre pays : les plateaux techniques et les ressources aériennes nécessaires aux héliportages rapides. Se dessinent donc, pour le malheur de tous, d’interminables et incompressibles heures d’attente à l’accueil et dans les couloirs. Et si c’était grave ? De tels services surchargés qui fonctionnent avec moins c’est selon les statistiques, 6% de décès en plus !
Même s’il est impossible de prévoir les variations de flux entrant, patients comme soignants sont excédés, les urgences étranglées sont devenues par manque de volonté des décideurs d’y remédier, un lieu d’angoisse, de stress, de colère et de danger. En 20 ans, le nombre de patients pris en charge aux urgences est passé de 10 millions en 1996 à 21 millions en 2016. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/27-7.pdf
Au-delà des cas légitimes comme les traumatismes graves et les demandes des médecins libéraux ou du 15, les fausses urgences engorgent : (patients n’ayant pas de couverture sociale, refus de prise en charge de la CMU ou de l’AME par certains praticiens, désertification médicale, manque de maisons médicales de garde).
La solution serait de doubler voire tripler les emplois de médecins et de personnel, mais aussi d’augmenter le nombre de lits hospitaliers ad hoc, ce qui n’est pas prévu. Les services hospitaliers et notamment les urgences fonctionnent quand c’est possible, avec des intérimaires et des contrats courts, ce qui n’est qu’une solution moyennement satisfaisante car elle engendre un manque de stabilité au sein des services.
Néanmoins, le nouveau projet de Loi santé actuellement à l’étude par le Sénat passe par l’accélération du développement de maisons de santé. Il est donc possible d’imaginer la réduction de certains flux entrant par la mise en place d’un système d’experts d’aide à la décision pour réorientation vers ces structures médicales où officieront des médecins non pas libéraux mais salariés.
Le Rapport public / février 2019 de la cour des comptes pointe des dysfonctionnements et des services trop sollicités
Face à la colère et à l’exaspération, La Ministre de la Santé a annoncé une mission de refondation et des soutiens financiers pour les Etablissements en surcroît d’activité, annonce qualifiée de « vaste blague » par le Président des urgentistes Christophe Prudhomme.
La pression monte alors que le nouveau projet de Loi santé est actuellement examiné par le Sénat.
Fin 2017, Agnès Buzyn, soucieuse des failles du système économique hospitalier, et évoquant des critères ne prenant pas en compte la qualité et la pertinence des soins, annonçait un changement de mode de financement des hôpitaux.
Avant 2004 existaient deux systèmes :
- celui des hôpitaux publics basé sur le nombre de lits : la dotation globale ou fixe indépendante de l’activité mais qui empêchait le développement de certains établissements.
- celui des hôpitaux privés à but lucratif et à tarification forfaitaire journalière, correspondant à des actes réalisés.
Depuis 2004 le financement de tous les établissements de soins publics et privés dépend du nombre de séjours enregistrés et des actes pratiqués par les médecins. Il s’agit d’une tarification à l’activité ou TA, déterminée chaque année par la Sécurité Sociale. Ce système a incité les services à multiplier les actes pour augmenter les ressources financières. Le Pr André Grimaldi, diabétologue à la Pitié Salpétrière dénonce durant cette période, des inflations de prostatectomies et thyroïdectomies. Cette TA représente 63% des ressources des établissements hospitaliers.
Depuis 15 ans donc une grande partie des ressources dépend du nombre d’actes et de séjours enregistrés. C’est le cas pour toutes les activités de médecine, de chirurgie, d’obstétrique. En revanche, les services de psychiatrie, de soins de suites et les urgences restent financés par des dotations. Or avec cette TA, plus un établissement enregistre de séjours et plus il réalise d’actes, plus son budget augmente. Etre condamné à augmenter sans cesse son activité tout en subissant une baisse de personnel provoque effondrement des conditions de travail, épuisement et démotivation des soignants, donc une baisse de la qualité de soins.
Cette rémunération à l’acte, destructrice de valeurs, a favorisé des hôpitaux/entreprises et une course stupide à l’activité, source de stress et de fatigue inutile pour les patients et les soignants.
Le Haut Fonctionnaire, Jean Marc Aubert, Directeur à la Prévision du Ministère de la Santé a rendu en janvier 2019 son rapport à Agnès Buzyn. Y figurent des scénarios permettant de combiner les sources de paiement et de redonner du souffle à un système asphyxié : Le paiement à la qualité et la pertinence, au suivi des maladies chroniques, groupé à la séquence de soins, à la structuration pour le travail en équipe et les soins de ville, toujours à l’acte mais à hauteur de 50%.
La santé, notre plus grande richesse vit le pire alors qu’elle mérite ce qu’il y a de mieux !
Le mal-être de tout le personnel qui aime son métier mais déteste les conditions d’exercice imposées est palpable.
Pour le bien de tous y compris celui des patients, il faut améliorer le sort des urgences et de tous les services hospitaliers par une refonte intelligence du système de santé.
Aujourd’hui la médecine dysfonctionne. Le médecin de famille tel qu’il exerçait il y a 20 ans n’existe plus, les spécialistes libéraux sont hors de portée. Les directives imposées depuis des années ont désorganisé voire détruit la doctrine sanitaire française !
Ne nous étonnons plus que les urgences soient à l’agonie et nul doute que le nouveau plan santé corrigera les failles à l’horizon 2022.
https://www.ars.sante.fr/ma-sante-2022-pour-transformer-le-systeme-de-sante
Y a-t-il un capitaine à la passerelle du navire France et plus précisément à celle du Ministère de la Santé pendant cette crise sanitaire majeure ?
Elise Carboullec pour l'UPGCS
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DUCHENE Christiane (mercredi, 12 juin 2019 11:18)
Je comprends beaucoup mieux cette sensation "d'abattage" ressentie dernièrement dans un grand hôpital Lyonnais. Chirurgien très bienveillant en consultation, revu dans la salle d'opération avant l'anesthésie, et pas vu avant la sortie précipitée 2 jours après. Sortie prévue à 11h30 mais arrivée à 10h du personnel de service pour nettoyer la chambre... Même pas eu le temps de prendre une douche. Et installation dans la salle d'attente avant l'arrivée de mon mari qui venait me chercher... pour 11h30. Même en salle de réveil, l'infirmière me disait : "gardez les yeux ouverts" alors que je n'y parvenais pas car dès que j'ouvrais les yeux, tout tournait, et ajoutait : "il faut qu'on vous remonte, j'ai besoin de la place". Opérée plusieurs fois, je n'avais jamais vu ça et le chirurgien était toujours passé avant ma sortie. (je pense là, qu'il était en train d'opérer...). Ce paiement à l'acte est une catastrophe. Sinon, je n'ai que des compliments à faire au personnel soignant, à l'écoute et d'une gentillesse à toute épreuve. Les instructions pour ma sortie : "contactez votre cardiologue et votre médecin traitant". Ma cardiologue ? j'espère avoir un R.V. avant 6 mois... Alors, c'est encore mon médecin traitant qui va m'aider. Et si j'ai un gros problème, où croyez vous que je vais aller ? aux URGENCES, bien sûr !
Elise (mercredi, 12 juin 2019 20:55)
Merci Christiane ! Nous en sommes là ... espérons un mieux progressif ... nous y travaillons.
Elise Carboullec (mercredi, 12 juin 2019 23:17)
https://www.liberation.fr/france/2018/12/18/sophie-crozier-je-ne-peux-me-resigner-a-voir-l-hopital-couler_1698628?fbclid=IwAR3glpzMSf-pPRUjW1Q8RHaw12i7L1J5GlMTwccwhhXC5A72eD3d_cwua-g
Dugué Anne (jeudi, 13 juin 2019 11:29)
Tout cela est bien préoccupant .
Merci d'assurer