Un peu de théorie :
La différence majeure est assez simple. Un procès civil, c’est essentiellement une personne ou une entité qui considère qu’une autre entité lui a créé un tort quelconque, et devra lui réparer le tort en question, en faisant quelque chose, en s’interdisant d’en faire une autre, en réparant les dégâts, en payant une certaine somme.
Un procès pénal c’est la société, représentée par un membre du «ministère public », qui poursuit un individu ou une entité parce qu’elle a gravement violé des règles de « vivre ensemble ». Il s’agit de faire cesser ou de punir une contravention, un délit ou un crime (en résumé une infraction), parfois au prix de la privation de liberté et autre fois de la mort du coupable. Il s’agit aussi de s’occuper de « réinsérer » le coupable, de lui permettre de s’amender, et de « satisfaire », si l’on peut dire, les victimes en ne laissant pas les choses impunies.
Cela a notamment d’autres conséquences. On ne peut pas vous empêcher de poursuivre votre voisin au civil parce que... vous avez de le poursuivre... mais on ne peut pas obliger un procureur à poursuivre ce qu’on estime un délit. Il dispose de l’opportunité des poursuites, et peut considérer qu’il y a, compte tenu de la politique pénale ou des budgets disponibles, des choses plus « urgentes » à traiter. Ce refus peut se contourner, mais en payant notamment.
Un petit détail au passage… « porter plainte », c’est demander au ministère public de poursuivre une infraction. Porter plainte au civil, ça ne veut rien dire malgré l’usage courant de porter plainte parce que le voisin vous a jeté un regard de travers. Et le pénal étant dit « d’interprétation stricte » on ne poursuit que les infractions prévues par la loi, avec une peine prévue par la loi, et en présence des éléments matériels et intentionnels prévus par la loi.
Après, si on entre dans la « cuisine interne », on comprend mieux certaines choses.
Pour entamer une action au civil (par assignation en général), il faut étudier soigneusement les faits, les preuves, les dossiers, construire une argumentation juridique, répondre aux arguments adverses, etc. Vous en avez eu un exemple avec les référés de Toulouse, ou les actions collectives conjointes de Mysmartcab… et ceci nécessite de la compétence et des heures et des jours de travail.
Pour entamer une action pénale, cela peut être extrêmement simple:
- On se rend au commissariat et on décrit les faits et la situation qu’on critique.
- Ou on télécharge un formulaire et on le remplit plus ou moins bien et on l’envoie. L’officier de police judiciaire ou le parquet auront la charge de qualifier les faits, de trouver les fondements juridiques, de diligenter une enquête, le cas échéant de faire nommer un juge d’instruction qui fera des perquisitions, des expertises ... etc
- Ou on se rapproche d'un avocat, et on le charge du dossier de plainte.
Ah ben alors, pensez-vous, « le pénal c’est drôlement plus confortable, on appuie sur un bouton, on ne paie rien, on ne fait pas grand-chose, et d’autres s’en occupent ».
Bah oui et il y a en d’autres, et non des plus discrets, qui ont un peu cru à ce « miracle ». Mais… dans la vie réelle ça ne se passe tout à fait comme ça, et pour qu’un dossier pénal ait des chances de succès, il y a un gros travail à fournir en amont pour relever les bons éléments qui pousseront à qualifier l’infraction, à recueillir des preuves, à contrer par avance les excuses exonératrices, à demander les bons actes etc.
Et il est souvent plus difficile de faire condamner quelqu’un au pénal qu’au civil.
Pourquoi ? Parce que au civil il va suffire de la violation d’une « norme générale de comportement », de la création d’un dommage et d’un lien de causalité, en l’absence d’exonération, alors qu’au pénal, il faudra y rajouter la violation d’un texte de loi précis et l’intention de commettre l’infraction... et échapper à des causes d’exonération plus larges.
Un exemple... à base de Lévothyrox. Un défaut d’information ayant causé des nuisances à des malades, c’est « suffisant » au civil, même « sans faire exprès ».
En revanche, agiter les bras en disant que « ils nous ont volontairement empoisonnés je porte plainte », ben c’est pas gagné parce que le juge ne confondra pas « truc qui ne passe pas » et « poison », et sera très exigeant sur la démonstration de la volonté d’administrer une substance toxique.
Ne vous étonnez donc pas que l’action pénale lancée par certains cabinets d'avocats comme mysmartcab ou celui de Christelle Mathieu, tous deux recommandés par l'association UPGCS, l’ait été après des mois de travail et de réflexion, car elle a été précédée d’un gros travail qui ne se limitait pas à remplir à la chaîne des cartons de formulaires et à sourire aux photographes.
Il y a quand même de la porosité entre les deux, puisque pour rester dans le cadre des deux actions mysmartcab citées, il est évident que l’action civile qui demande 10K euros par demandeur est bien sur une façon de couvrir les frais et souffrances éprouvées mais aussi de « frapper Merck au portefeuille », ce qui est une forme de sanction.
Réciproquement, l’action pénale qui est proposée est bien sur une façon de faire réprimer une action délictuelle alléguée à l’encontre de Merck, mais aussi de permettre des investigations plus détaillée, le juge d’instruction ayant des pouvoirs bien plus importants que les experts civils, et encore de faire pression pour faire cesser une anomalie.
Et à la fin d’une procédure pénale, se rouvre… une audience sur intérêts civils pour indemniser – ou pas – les parties civiles.
Donc ne pensez pas que le civil et le pénal sont deux chapelles qui s’opposent. Ce sont deux procédures dont le but légal est différent, dont le fonctionnement est différent, pour lesquelles les efforts à fournir sont différents, pour lesquelles les moyens fournis par la justice sont différents, dont les résultats sont différents et dont les tempos sont différents.
Civil et pénal sont ici tout à fait complémentaires, pour autant qu’ils soient sérieusement menés ce qui n’est que rarement compatible avec la gesticulation.
Article de Philippe Alliaume pour l'UPGCS
Ne pas confondre la Juge désignée par le Parquet de Marseille et le Père Noël !
Pour avoir lu beaucoup d'incitations à déposer un dossier dans la procédure pénale actuellement en cours d'instruction à Marseille, mais reposant sur des promesses totalement inadéquates avec cette procédure, l'UPGCS a décidé de poser deux questions claires à différents juristes, sans concertation entre eux avant leurs réponses.
Voici les deux questions posées :
- La procédure pénale peut-elle aboutir à la réquisition de l'ancienne formule Levothyrox tombée dans le domaine public ?
- Une décision judiciaire peut-elle contraindre Merck à poursuivre la production de la formule au lactose, qui n'a plus d'AMM valide en raison des recommandations 95/105 concernant le seuil de stabilité ?
Réponses des juristes contactés
1) Une juridiction pénale est là pour faire cesser un délit. Ordonner de produire, c'est faire cesser une décision de cesser de produire ... Or décider de cesser de produire n'est pas un délit
Le pénal est là pour faire cesser des délits et éventuellement en réparer les dégâts.
Le pénal est en plus de très stricte interprétation, on ne poursuit que des délits strictement prévus par une loi et réprimés par ladite loi.
Malgré tout le trouble que cela cause aux patients, cesser de produire l'AF lactose n'est pas un délit. Le juge pénal n'a pas la compétence à faire cesser ce qui n'est pas un délit.
2) AMM ou pas une décision judiciaire peut-elle obliger le laboratoire Merck à produire l'Ancienne Formule.
- Un laboratoire est une entreprise, et la liberté de l'entreprise lui permet de décider ce qu'elle fait, pour autant que cela ne viole pas l'ordre public.
- Un juge, pénal ou civil, n'est pas là pour "obliger une entreprise à produire tel produit"
Pourquoi ne pas aussi demain obliger Vuitton à produire plus de sacs pour que le prix baisse sur le marché ? Ou obliger Danone à produire des yaourts à la rhubarbe parce que moi j'aime les
yaourts à la rhubarbe ? cela semble idiot mais c'est du même ordre.
Il y a un cas où cela pourrait s'envisager, c'est un cadre de "réquisition", c'est à dire que pour satisfaire un besoin national, important et non satisfait .. l'état (ministère de la santé)
opère par réquisition en demandant à telle entreprise de produire tel produit INDISPENSABLE !
.Oui mais en l'espèce, il y a 5 alternatives au Levothyrox au mannitol et acide citrique sur le marché dont d'ailleurs les réseaux locaux vantent imprudemment les charmes.
Donc il n'y a pas de carence. Donc il n'y a pas lieu à réquisition.
Réponse de Philippe Alliaume Juriste
1/ d’après moi, le pénal ne peut pas aboutir à la réquisition de l’Ancienne Formule Levothyrox, car ce n’est pas son rôle. Le pénal c’est sanctionner un comportement délictuel et éventuellement indemniser.
Quand vous tuez quelqu'un, on ne vous demande pas de le ressusciter !
2/ si par décision judiciaire, vous pensez à une extension de la procédure judiciaire de certains avocats, cette question est soumise au tribunal des conflits.
Mais je vois mal comment un juge judiciaire pourrait obliger une entreprise à commercialiser un produit qui n’a plus d’AMM et qui n’est plus fabriqué.
Le juge judiciaire pouvait obliger à livrer tant qu’il existait une fabrication à l’étranger et que le produit disposait d’une AMM à l’étranger.
Si l’un des 2 éléments manquent (voire les 2) il ne peut pas être plus royaliste que le roi : il n’a pas compétence pour délivrer d’AMM ou pour imposer sa politique commerciale à une entreprise privée
Réponse de Maître Christophe Leguevacques
La procédure pénale initiée par Monsieur le Procureur de la République ou par les victimes directement ne peut en aucune manière aboutir à la réquisition de l'ancienne formule tombée dans le domaine public.
Une enquête pénale a pour but de rechercher si des infractions à la loi ont été commises et, le cas échéant, l'enquête pénale aboutit au renvoi des personnes physiques ou morales devant une juridiction pénale pour y être jugées de ces infractions En aucune manière, la procédure pénale ne pourrait aboutir à la réquisition de l'Ancienne formule du médicament.
2)
Une décision judiciaire ne peut nullement contraindre la société Merck à poursuivre la production de la formule au lactose si celle-ci n'a plus d'autorisation de mise sur le marché.
Pour qu'une telle décision soit prise, il faudrait qu'au préalable, il y ait une nouvelle AMM.
Christelle Mathieu, avocate au Barreau de Valenciennes
Pour quelles raisons alors l'UPGCS demande-t-elle à ses adhérents de constituer un dossier pour la procédure pénale ?
Depuis deux ans, nous crions notre colère sur les réseaux sociaux, mais il faut être conscients que cela n'apporte rien d'autre qu'un soulagement personnel, la possibilité de fédérer des actions civiles, mais que sur le plan légal et judiciaire cela ne sert à rien !
- sur le plan légal, un travail comme celui initié par le Colloque Big Pharma par François Ruffin (Député France Insoumise), visant à fédérer les diverses associations de victimes de scandales sanitaires pour obtenir des lois et améliorer le fonctionnement des autorités de contrôles sanitaires est une avancée spectaculaire !
- Sur le plan judiciaire, une condamnation des responsables de cette crise sanitaire du Levothyrox, passe nécessairement par un dépôt massif de dossiers au Pénal ! Nous n'avons cessé de crier notre dégoût de cette mise en danger de nos vies, il faut être solidaires et déposer nos dossiers.
Quelles sont nos chances d'aboutir et quel en est le coût ?
Lors des publications des travaux de Pierre-Louis Toutain, Didier Concordet, Catherine Hill et Martin Schlumberger, nous avons insisté sur le virage important que venait de prendre notre combat.
Démontrez la non bioéquivalence des deux formules, et les effets intra-individuels attendus en terme de biodisponibilité chez les malades thyroïdiens qui seraient traités par la Nouvelle Formule Levothyrox est une avancée extraordinaire pour les victimes !
Nous avons bien été cobayes, non informés d'un test grandeur nature réalisé par le laboratoire Merck dans un pays sans possibilité d'alternatives de traitements et avec une prise en charge des malades réduite au seul facteur TSH!
Pour avoir beaucoup travaillé avec des juristes et des avocats, nous pouvons assurer que leurs recherches poussées les placent en position de contrer le laboratoire, sauf si... mais cela évoquerait une non-indépendance de la Justice que nous ne pouvons et voulons pas envisager !
Le coût de cette procédure : Comme l'a rappelé Philippe Alliaume, il peut être très réduit puisque vous pouvez déposer vos dossiers directement auprès d'un Commissariat !
Mais, il est évident que de se rapprocher d'un avocat, donne plus de poids à votre dossier et que nous aurons besoin de cette pluralité des avocats des associations et collectifs pour argumenter devant les avocats des parties adverses.
Nous avons longuement expliqué que ceux qui bénéficient d'une protection juridique dans leurs assurances "maison" ou "compte bancaire" ne doivent pas hésiter !
Vous pouvez si vous le l'avez pas encore fait, nous demander le dossier d'informations complet par mail à : upgcs.direction@gmail.com
Nous y avons rassemblé toutes les pièces à fournir et surtout un récapitulatif d'aide à suivre point par point pour constituer son dossier tranquillement, étape par étape.
Annie Notelet pour l'UPGCS
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galté péries (mercredi, 02 octobre 2019 09:27)
bonjour ,
je n' ai pas droit a l' aide juridique je dépasse de quelques euros !
et ma petite retraite ne me permet pas de prendre un avocat
cordialement